Arashiro, empereur de Saitama
27 octobre 2019 - 09:39
Quelques jours après le couronnement de l’empereur Naruhito, c’est Yukiya Arashiro qui obtient la consécration de sa carrière en s’imposant devant son public sur le Tour de France Saitama Criterium. La victoire est d’autant plus savoureuse qu’il a résisté dans le final à un duo composé du Maillot Jaune Egan Bernal et du maillot rouge de la Vuelta Primoz Roglic. Auparavant, la course principale a été animée par Matteo Trentin et Romain Bardet, qui s’emparent respectivement des maillots vert et à pois, tandis que le très remuant Jakob Fuglsang a été désigné combatif de cette officieuse « 22e étape ».
UN MAILLOT ROUGE DANS LE PELOTON…
Sur la ligne de départ, le Critérium de Saitama s’offre déjà une grande première dans l’histoire du cyclisme, puisque le peloton accueille un Maillot Jaune, logiquement porté par Egan Bernal, côtoyant le maillot rouge du vainqueur de la Vuelta, Primoz Roglic. Cette originalité ne perturbe pas le fonctionnement habituel de la course en circuit, avec une échappée à 9 coureurs rapidement formée, dans laquelle les ambitions sont très vite décryptées, le premier sprint intermédiaire étant remporté par Matteo Trentin, tandis que Romain Bardet fait honneur à son maillot à pois en se ruant sur les points de la montagne… saisis au sommet d’une sortie de tunnel méchamment pentue ! A mi-parcours, la répartition des responsabilités se confirme, le maillot vert étant acquis à l’ancien champion d’Europe, mais le peloton maintient un écart d’une vingtaine de secondes indiquant que la victoire ne devrait pas se jouer dans le petit groupe d’attaquants.
L’intuition se confirme puisqu’à quatre tours et donc 14 km de l’arrivée, l’échappée est anéantie et une contre-attaque se substitue à l’avant avec entre autres Fuglsang, Naesen, Calmejane et Arashiro, toujours suivis de près par le peloton. Le Maillot Jaune et le maillot rouge, bien décidés à participer à la fête, en sortent à 7 kilomètres pour se joindre aux efforts de l’échappée, qui gagne dès lors en efficacité. Peu avant l’attaque du dernier tour, Fuglsang et Arashiro se détachent et le groupe de contre se réduit à une association entre Bernal et Roglic. Acclamé par les spectateurs de Saitama, Arashiro parvient à distancer Fuglsang et aborde seul la dernière ligne droite. Les vainqueurs des deux derniers grands tours sont à ses trousses mais le coureur de Bahrein-Merida tient le choc et signe l’un de ses plus savoureux succès. A 35 ans, le pionnier des cyclistes japonais continue de montrer la voie à ses plus jeunes héritiers.
LES JAPONAIS MAÎTRES DU SPRINT
Les amateurs de sprint ont droit à Saitama à une formule peu courante, avec quatre courses de qualification pour accéder à une finale, le tout sur un départ lancé à 800 mètres de l’arrivée. Dans la première manche, Oliver Naesen se montre un peu présomptueux en attaquant à 500 mètres de la ligne, et se fait piéger par le Japonais Saya Kuroeda. La technique fonctionne en revanche pour Michal Kwiatkowski, dans une série pourtant relevée puisqu’il a dû compter sur sa puissance pour se qualifier en évitant la confrontation directe avec Matteo Trentin. C’est sur un tout autre registre que s’est jouée la troisième manche, avec un duel entre Anthony Turgis et Kakeru Omae qui a tourné in extremis à l’avantage du Français : « Je crois que je l’ai eu à l’expérience », expliquait soulagé le coureur de Total-Direct Energie. Le quatrième ticket pour la finale a fait l’objet d’une explication entre Japonais, Jakob Fuglsang ayant manifestement eu peu confiance en ses talents de finisseur face au duo Watanabe-Sawada, qui coupe la ligne dans cet ordre. En finale, « Kwiato » retente sans succès le coup de l’accélération aux 500 mètres, mais manque cette fois-ci de force pour résister au retour de ses deux rivaux japonais. Le duel est remporté par Saya Kuroeda, auteur d’un sans-faute.
RETOUR EN DOUCEUR POUR FROOME
L’exercice du chrono par équipes de Saitama présentait notamment l’intérêt d’assister aux premiers coups de pédale en compétition de Chris Froome depuis son accident sur le dernier Critérium du Dauphiné. Le retour n’a pas été fracassant, conformément aux déclarations lucides du quadruple vainqueur du Tour sur son état de forme actuel, Ie Team Ineos terminant en 12e position et fermant la marche des équipes du Tour de France. Au sommet du classement, quatre équipes japonaises qui présentaient des qualités d’explosivité décisives ont pu défier les formation de l’élite. Dans la bataille des ténors, le trio d’AG2R termine 5e avec une moyenne de 46,9 km/h qui leur permet de devancer de 3’’ la formation Astana et de 7’’ les Jumbo-Visma de Roglic.
APPELEZ LE MONSIEUR L’AMBASSADEUR
Une carrière de sprinteur de haut niveau, cela mène à tout. Marcel Kittel, qui a pris définitivement cet été la décision de raccrocher ses vélos à l’âge de 31 ans, n’a pas patienté longtemps pour endosser un nouveau costume. Fidèle du Critérium de Saitama depuis sa première participation en 2013 alors qu’il venait de remporter ses quatre premières étapes sur le Tour de France, le colosse allemand a été invité cette année à titre d’ambassadeur. Un rôle qui lui revient naturellement au regard de l’affection qu’il porte à l’épreuve de fin des saison qu’il a remportée en 2014 : « j’ai toujours reçu un accueil incroyable ici et tout le monde a pu sentir à quel point j’ai été à chaque fois touché par les marques de sympathie du public » . C’est aussi avec une tendresse particulière pour ses 14 étapes gagnées sur le Tour de France que Kittel tire le rideau sur sa vie de sportif : « J’ai eu une belle carrière, mais mes moments les plus forts sont évidemment ces victoires sur le Tour, ainsi que le fait d’avoir pu porter le maillot vert le Maillot Jaune. Et en tant que sprinteur, lever les bras sur les Champs-Elysées, c’est ce qui m’a toujours fait rêver ». Les souvenirs n’empêchent pas Kittel de se projeter vers l’avenir, à commencer par sa vie de papa qui débutera dans les semaine qui viennent : « c’est un nouveau chapitre qui s’ouvre pour moi, je vais passer davantage de temps en famille et je vais rapidement me mettre à étudier, en économie ».